2005

2005   Sculptures   ‘’ reliefs peints ‘’   Espace des Tours   Vallauris



PLAQUETTE START NICE
G.BAUD  F.GOALEC  D.BIRY



A PROPOS par Daniel Biry, Vallauris, août 2005

Découpage / Collage/ Recyclage

Pour cette série de travaux, Aliotta s'est servi de toiles - et nombreuses sont celles qui lui ont été données par les artistes eux-mêmes - pour les découper en fines lanières, puis  ensuite disposer ces lanières sur la tranche, pour enfin les coller soigneusement sur des panneaux de bois ou de carton. Le résultat final apparaît comme une sédimentation de strates, comme des couches géologiques formées de pigments et de toile. A certains endroits la toile elle même s'effiloche, moutonne ou bien s'emmêle dans un fourmillement de noeuds : autant d'événements qui dérangent l'agencement systématique des strates  alignées avec une précision et une minutie quasi scientifique. Les pigments devenus des écailles de couleurs s'accrochent aux réseaux de la toile.

Plusieurs variantes de découpes et de collages sont à l'oeuvre : confetti, carrés, bandes de toile plus au moins larges qui sont disposées en vagues, tourbillons, spirales, etc... et qui montrent la souplesse et les possibilités plastiques de ce nouveau matériau. La matière première est relativement abondante puisqu'il s'agit du recyclage de tableaux loupés, de toiles abandonnées par leurs créateurs et aussi, en dernier lieu, de " croûtes " en tout genre glanées au hasard des vide-greniers.

Qu'est-ce qu'une toile ?

C'est d'abord de la toile et des pigments. Aliotta nous fait ressentir la matérialité de la peinture. La présence physique de la toile dégagée de sa fonction de support pictural d'une image peinte. Et cela au moment même ou bien des oeuvres perdent leurs supports matériels. Les oeuvres graphiques deviennent images électroniques qui peuvent être lues sur un ordinateur, cataloguées sur un CD Rom, projetées sur des écrans, imprimées gravées sur toutes sortes de support : papier, tissu, verre, plastique, etc. 

La fonction iconique de la peinture, à savoir : d'exister avant tout en tant qu'image, nous avait fait oublier que, pour plus de quatre siècles, la toile, plus que le bois où la fresque, a été le support privilégié de ces images. Maintenant elle réapparaît dans toute sa vérité d' humble matériau. Une matière organique, rugueuse, disparate, un enchevêtrement de fils tissés plus ou moins finement. Ces fils ont une qualité vaguement repoussante, la révélation d'un au-delà de la surface brillante, lisse, " propre " de la peinture. En cela les " toiles " d'Aliotta nous rappellent certains artefacts faits de tissage des arts premiers, On pense aux textiles fabriqués par les Indiens du Mexique, aux pièces retrouvées dans les tombes Scythes. Ainsi Aliotta nous rappelle-t-il que notre grand art pictural, fleuron de  notre tradition culturelle, aurait une parenté manifeste avec les arts de ces peuples que l'Occident a repoussé aux marges de sa civilisation.

Comment on peint ?

Avec l'avènement du postmodernisme et du poststructuralisme l'art n'est plus perçu avant tout comme le lieu privilégié où se manifeste la subjectivité et la créativité de l'artiste. La pratique artistique est devenue beaucoup fluide, contextuelle, expérimentale.  Elle n'est plus un moyen d'expliquer le monde (révéler le pourquoi) mais adopte plutôt des stratégies qui lui permette de tester le monde par le biais de l'expérimentation et peut ainsi  dévoiler des aspects de son fonctionnement (montrer le comment).

Aliotta expérimente: dans un premier temps, par le procédé de découpage, il effectue une dislocation complète du contenu des toiles. Il n'est plus question ici d'intégrer certains éléments figuratifs ou des fragments de texture qui auraient valeur de signe comme une page de journal déchirée ou un morceau de cannage dans une toile cubiste de Braque ou Picasso. Il s'agit d'une opération beaucoup plus radicale et systématique où la toile lacérée est réduite à un matériau brut. Dans un deuxième temps, au moment du collage, les éléments des toiles découpées sont réagencées en strates selon une nouvelle syntaxe picturale pour constituer des panneaux qui sont à la fois peinture et sculpture.

La violence extrême du procédé est dérangeante. Il y a une remise en cause implicite de la peinture et des valeurs qu'elle représente. Ainsi la toile, expression exemplaire d'un créateur, est-elle détruite. Toute toile même un chef d'oeuvre peut être potentiellement assujettie à la même opération. Cela vaut aussi bien sûr pour les tableaux de nos musées les plus fameux qui nous semblent tout d'un coup bien vulnérables à mesure que l'on prend conscience de leur nature commune et mortelle. 

Archéologie de la mémoire

Pourtant dans ses panneaux composés de lambeaux, de toiles compressés, Aliotta nous assure que la charge émotive des toiles originelles reste clairement perceptible. Il ne s'agit donc pas d'un matériau rendu quasiment anonyme par le découpage systématique où la mémoire des toiles lacérées ne serait plus perceptible qu'à l'état résiduel de traces. Par conséquent on peut envisager l'action de l'artiste comme une sorte d'opération alchimique, un processus de condensation qui permettrait d'obtenir ainsi l'essence de la peinture.  Inversement le spectateur à partir de l'examen géologique des strates est invité à se livrer à une archéologie de la mémoire.

L'idée de recyclage est très importante pour Aliotta. C'est à la fois un acte écologique - un geste qui va à l'encontre du gaspillage généralisé de notre société d'hyper consommation - et un acte de justice, comme une réhabilitation des objets humbles, cassés, écartés. En définitive c'est le privilège de l'artiste thaumaturge que de pouvoir redonner vie à des objets mis au rebut. 

Le jeu des ambiguïtés 

Cette série de travaux met en jeu de  nombreuses ambiguïtés qui sont autant de questions sur les modalités de fonctionnement de l'oeuvre d'art contemporaine.

Peinture / Sculpture

Il s'agit de peinture, même il ne s'agit que de cela puisque le matériau utilisé est uniquement de la toile et des pigments, pourtant la matière est traitée comme dans un assemblage en trois dimensions, à savoir, une sculpture.

Support / Surface

La distinction entre support et surface est abolie puisque le support, la toile, est devenu surface.

Essence / Traces

Il est impossible de décider, au vu des travaux, si on perçoit seulement des traces des toiles originelles ou bien, puisque elles sont présentes dans leur totalité, si l'on est en présence plutôt d'un condensé, de l'essence de l'oeuvre.

Identité / Aliénation

Même si les toiles recyclées sont utilisées dans leur intégralité leur identité est remise en cause. Le processus de découpage/collage les a définitivement transformées en quelque chose d'autre (aliénation).

Récupération / Détournement

Par conséquent Il s'agit non seulement de récupération, à savoir, de réutiliser un matériau, en l'occurrence des toiles pour créer de nouvelles «toiles» mais aussi d'un détournement puisque les toiles originelles sont métamorphosées en de nouveaux objets radicalement différents.

Daniel Biry  Vallauris   août 2005



TOILES PEINTES L 40X H 40 X P 5




TOILES PEINTES  L 40 X H 40 X P 5



TOILES PEINTES L 40 X H 40 X P 5




TOILES ET PEITURES DIVERS L 100 X H 100 X P 12




TOILES PEINTES  L 200 X H 253 X P 22